Voici la traduction résumée d’une partie d’un e-mail que j’ai reçu il y a peu de Khor Chu Cheng, auteur d’un livre intitulé Transforming Conflict into Harmony (La transformation du conflit en harmonie).

Je ne connais pas Khor Chu Cheng (Malaisie).

Vous trouverez la version originale en anglais de l’e-mail dans la section English de ce site.


Cher Athanase Vettas,

Je vous prie de jeter un coup d’oeil sur le livre ‘Transformation du conflit en harmonie : La réponse à votre souffrance de toute une vie’. La version intégrale est téléchargeable librement sur www.tcih.net

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Ce livre relève entre autres les erreurs d’importance critique faites par la psychothérapie conventionnelle, qui la rendent, selon les mots de Carl Roger : ‘futile et inconséquente’.

Il explore également le principe commun aux différentes approches suivantes en rapport avec leur efficacité: la Technique Alexander, l’EMDR , le Training Autogène, la Client-Centered Therapy, la Méthode Montessori et la méditation.

Ci-dessous un extrait du livre :

‘La Technique Alexander

Dans la Technique Alexander, l’être humain base son observation sur ces pensées: je permets à mon cou d’être libre pour que ma tête puisse s’orienter vers l’avant et le haut, pour que mon dos puisse s’allonger et s’élargir, pensées dirigées ensemble et l’une après l’autre. Dans son livre Le Corps Conjugué (Body Learning : An introduction to the Alexander Technique), Michael Gelb rappelle que cela exige beaucoup de pratique. Pour pouvoir diriger ces pensées simultanément un minimum d’attention supérieure est effectivement nécessaire.
La Technique Alexander n’est nullement efficace parce que ces pensées ont un pouvoir magique. Des pensées dénuées de sens feraient tout aussi bien l’affaire. En basant son observation sur ces pensés, les impressions conflictuelles ne sont pas dérangées et l’observation n’étant pas perdue dans ces impressions, elles finissent par se neutraliser entre elles.’

En se référant à sa technique, Alexander disait :

‘En un mot, cela revient à inhiber une réaction particulière à un stimulus donné. Mais personne ne le voit ainsi. On pense qu’il s’agit de s’asseoir et de se lever de la bonne manière. Absolument pas. Il s’agit de ce qu’un élève décidera à consentir ou à ne pas consentir à faire !’

Michael Gelb, quant à lui, nous dit que la Technique Alexander l’a aidé à gérer la peur, à développer son attention, à aller du connu à l’inconnu, à travailler la pensée expérimentale, à cultiver la non-interférence et à améliorer sa perception et sa coordination.

Ce sont les raisons qui rendent la Technique Alexander efficace. Au lieu de succomber aux réactions habituelles, elle aide l’homme à affronter ses peurs et l’inconnu. Au lieu de forcer son corps à adopter des positions ou des mouvements précis, qui ne feront qu’empirer les choses, elle lui apprend à laisser le corps tranquille. S’il est toujours pris dans des réactions, comment peut-il décider de consentir ou de ne pas consentir à agir ?

Effectivement, s’il permet à son cou d’être libre etc., l’être humain s’évite une dépense inutile de force, mais il ne peut forcer son cou à être libre, ni physiquement ni psychologiquement. Son cou deviendra naturellement libre lorsque sa personnalité sera neutralisée. Un enfant de deux ans ne sait rien de la Technique Alexander, mais il se tient bien naturellement et bouge sans tensions excessives. A cet âge, il possède encore une grande une grande âme et une petite personnalité.

Si la personnalité est neutralisée, le corps restera naturellement calme ou bougera parfaitement, c’est-à-dire sans tensions inutiles. L’âme peut s’occuper de lui mille fois mieux que la personnalité. Par opposition, les muscles d’un homme ordinaire sont crispés même pendant son sommeil. La Technique Alexander n’a pas été conçue pour apprendre à relâcher ses muscles. Pourtant, à plus de 80 ans, Alexander était capable de lever une jambe par-dessus le dossier d’une chaise sans effort.

Pour appliquer cette technique dans les activités quotidiennes, l’être humain doit développer encore plus sa capacité d’observation. Par exemple, s’il essaie de résoudre un problème, son attention supérieure doit être suffisante pour pouvoir englober ces pensées et d’autres pensés simultanément.

Khor Chu Cheng


Ce passage est intéressant dans la mesure où il rappelle entre autre que si une certaine forme d’attention n’est pas présente une technique est inefficace. Les directions, comme on les appelle en Technique Alexander, ces pensées que l’on se donne à soi-même pour permettre au corps de mieux se réorganiser intérieurement et de mieux s’orienter dans l’espace, ne seront pas efficaces pour nous apprendre à agir plus librement répétées machinalement: une certaine attention est nécessaire. C’est en cela que, dans un premier temps, d’autres pensées, ou même des pensées sans signification logique, pourraient faire l’affaire : un certain niveau d’attention est nécessaire, quelle que soit la forme qu’elle prend.

Il s’agit donc d’apprendre à développer une certaine forme d’attention qui nous permettra de trouver suffisamment de calme pour pouvoir permettre au corps de se réorganiser, sans interférer dans ces changements, et s’utiliser ensuite dans cet état de meilleur fonctionnement pour bouger ou réagir dans de meilleures conditions.

Comment apprendre à laisser le corps tranquille, pour qu’il puisse faire sans être dérangé par nos habitudes ? Pour qu’il puisse s’associer à un état général de meilleur fonctionnement.

Chaque technique insiste sur des pensées précises en fonction de son orientation particulière. La Technique Alexander propose une procédure pratique où il s’agit d’améliorer son équilibre et le contrôle de soi dans toute activité en apprenant à éviter le raccourcissement de la colonne vertébrale et la crispation de tout le corps. Les pensées premières qui retiennent notre attention concernent la liberté du cou, la direction de la tête, la longueur et la largeur du dos, ainsi que la direction des genoux.

Je m’attarderai ici sur un aspect de la procédure pratique impliquée par l’application de la Technique Alexander : le fait de ne pas se fier à ses sensations.

Cet aspect est capital et souvent négligé. De prime abord cela semble difficile, voire impossible pour certains, incompréhensible pour beaucoup. Comment peut-on faire quoi que ce soit si l’on ne peut pas sentir ce que l’on fait? Si on n’a pas de feed back? Et pourtant c’est le point de départ du véritable contrôle de soi et le début du changement.

Dans la Technique Alexander, on n’essaie pas de sentir si le cou, la tête, le dos ou toute autre partie du corps est bien positionnée, car on considère que nos sensations sont intimement associées à la qualité du fonctionnement plus général de l’organisme et que l’on ne peut ne pas se fier à elles pour essayer de changer si elles sont associées à une mauvaise manière de nous utiliser.Nous allons au contraire essayer de créer un état dans lequel nous pourrons agir sans nous préoccuper des tensions habituelles qui nous font souffrir ou rendent nos gestes imprécis ou encore nous font réagir d’une manière insatisfaisante.

Toutes nos sensations ont nécessairement leur source et sont liées à cet état insatisfaisant. Nos sensations seraient totalement différentes si nous étions dans un état de fonctionnement différent. Ces sensations liées à un mauvais fonctionnement ne peuvent pas nous conduire à faire autre chose que ce qui nous est familier car associé à ces mêmes sensations. C’est pourquoi quelqu’un qui a mal au dos aura tendance à gigoter et à passer d’une position à l’autre sans fondamentalement changer sa manière de bouger. Ses mouvements pour changer de position déplaceront les douleurs ou l’inconfort, mais à l’intérieur des mêmes schémas de coordination qui continuent de servir de référence pour les mouvements du corps. De même que la personne qui désire faire un geste précis se crispera de plus en plus pour essayer de contrôler un mouvement qui lui échappe et finira par payer très cher le contrôle de son mouvement. De même qu’une personne déprimée agira et pensera à partir de ses sensations fournies par son corps de déprimé et ne pourra pas produire d’actions positives.

Se fier à ses sensations est naturel et il est difficile au début d’imaginer que l’on puisse faire quoi que ce soit sans se fier à ce que l’on ressent. C’est compréhensible, nous ne pourrions pas exister consciemment sans l’information fournie par nos sens. Nous avons besoin de repères.

Dans la Technique Alexander il s’agit, dans un premier temps, de ne pas se fier à ses sensations pour pouvoir se donner des instructions mentales qui vont améliorer l’équilibre du corps. A la longue, nos sensations deviendront de plus en plus fiables. Plus important encore, nous développerons la capacité à reconnaître les sensations qui sont associées aux tensions produites par un corps crispés et raccourci et sauront qu’elles ne sont pas fiable pour un contrôle conscient de soi.

Il s’agit en fait d’apprendre à ne pas tenir compte de ce que l’on ressent pendant que l’on essaie de se corriger. Au moment où l’on essaie de se corriger ou de faire quelque chose autrement parce que cela nous fait mal, ou parce que notre manière de faire nous semble insatisfaisante, à ce moment-là il est important de ne pas se fier à ce que l’on ressent car cela ne peut nous conduire qu’à refaire exactement ce que l’on veut éviter. Il s’agit de se déconnecter consciemment de la tendance à réagir instantanément à toute sensation.

Prenons un exemple simple : la marche. Voici une activité à la portée de tout le monde. Et pourtant combien de personnes ne se fatiguent-elles pas excessivement en marchant ou développent des douleurs au cours de la marche ? La manière particulière de lever la jambe que nous avons adoptée pour marcher est ressentie comme normale. Cela nous vient naturellement. Nous n’avons pas besoin d’y penser. Nous ne sommes pas conscients des tensions que nous créons pour lever la jambe. Et si nous sommes incommodés, nous pensons qu’il suffit de penser d’être plus détendus, de faire un peu plus attention pour que cela aille mieux. Nous ne réalisons pas que nous réagissons aux sensations habituelles associées à notre manière de marcher.

Que faire si on ne peut pas se fier à ses sensations pour se corriger ?
La Technique Alexander répond : se donner des directions mentales.

Mais pour que ces directions mentales soient efficaces, les réactions habituelles aux sensations habituelles doivent être absentes. Il ne s’agit pas de refouler ses sensations. Il s’agit de les accepter sans y répondre, sans y réagir, pour pouvoir ensuite les observer tant que notre état permettra leur manifestation.

Dans un premier temps, il s’agira donc d’apprendre à reconnaître notre tendance à répondre à nos sensations habituelles, ensuite à ne pas y répondre, et, en lieu et place, d’apprendre progressivement à permettre au corps de se réorganiser au cours de cette phase de suspension de la première réaction, Alexander parle d’inhibition volontaire.

Pour terminer, j’aimerais rappeler que tous ces mots et ces analyses sont nécessaires pour comprendre ce qui se passe et mettre en place un moyen d’y remédier, mais qu’en réalité aussi bien le fonctionnement naturel que l’application d’une méthode maîtrisée se passe de mots. Tout a lieu en silence dans un mouvement continu où il n’y a ni début ni fin, mais une adaptation continue au flux de la vie dans une recherche vitale de la bonne orientation.

Enfin, je rappelle que l’aide d’un professeur en Technique Alexander est inestimable pour arriver à franchir le fossé qui sépare ce qui nous est habituel (le connu), que ce soit des mouvements imprécis ou des douleurs musculaires, d’un état de meilleur fonctionnement (encore inconnu et donc inaccessible par les sensations).

Février 2007

Athanase Vettas
Bruxelles – Belgique – E.U.
www.techniquealexander.be
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